Chantal, Jean-Jacques, Pascale, Joëlle, Patricia et Jacques quelques jours avant le salon du livre 2016 (manque Katell). |
J- 3 avant le premier salon du livre d'Avrillé. |
Salon du livre d'Avrillé le dimanche 27 novembre 2016. _______________________________________________________________________________________________________ |
Atelier de lecture et d'écriture novembre 2016 : Joëlle, Michèle, Marc, Liliane, Carole. |
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Jacques Courtin, l’amoureux des mots
Jacques Courtin, l’amoureux des mots
Après
« Tiroirs à nouvelles » paru en 2011, Jacques Courtin récidive en
publiant « Le jour est toujours jeune » aux Editions du Panthéon.
Cinq nouvelles au sommaire : « Le marcheur au coeur ouvert », « Presqu'île » et « Ca pince du côté de Noirmoutier ! » qui évoquent l’océan et la mer ;« Le Monsieur qui disait toujours bonjour », dialogue entre deux hommes affligés de tics de langage ; « La pierre de sucre dans le bol de café au lait », directement inspirée de la vie familiale. «" C'est fou tout ce qui se passe au petit-déjeuner : quelques réflexions autour des regards, des connaissances acquises, des rayons du soleil... Et ces puissants et mystérieux sens des mots qui nous différencient les uns des autres... ».Au fil des pages, l’humour (anglo-saxon, de préférence), le fantastique, la fantaisie, la poésie métaphorique et la philosophie. Cette « marque de fabrique » de Jacques Courtin se retrouve dans les trois livres « marqueurs » de son engagement littéraire, « La Vénus d’Ille » de Prosper Mérimée, « Avant Adam » de Jack London et « La fin de la sagesse » de G.K. Chesterton. Jacques devrait pourtant être plus chiffres que lettres. Depuis 2001, cet ancien commercial de terrain est devenu formateur marketing-management-communication de la filière Vente-Commerce au Centre Pierre Cointreau. « Je me suis mis à écrire à partir de 2008 à l’issue d’un long cheminement. Déjà, mon papa était blagueur, il aimait les jeux de mots, il y avait de l’optimisme à la maison ». En fait, tout est parti d’une nouvelle « Le piano », offerte en cadeau à une communiante. Deux autres ont suivi : « Fricou le petit caïman » et « Pierre Gramant » qui mêlent plusieurs intrigues dans l’intrigue. « Le genre de la nouvelle n’est pas très populaire chez les Français qui préfèrent le roman. Mais il me plait. Le récit est court avec peu de personnages et une intrigue simple ». Jacques écrit le soir. « Je pars sur une image, un fait, un mot, sans savoir où je vais. Je mène mes recherches au fil de l’eau, quand l’histoire avance. La première écriture peut être la bonne, mais j’ai plutôt tendance à relire et relire, à corriger le fond et la forme ». Il saisit ses textes sur son PC posé sur la table du salon. Il n’a pas d’atelier bien à lui alors qu’il rêve d’écrire face à la mer comme Victor Hugo à Guernesey. Bien qu’il ait quelques nouvelles inédites dans ses tiroirs, Jacques Courtin a choisi de se lancer dans un troisième ouvrage qui inclura une petite pièce de théâtre. Et pourquoi pas demain, de la poésie ? « Je ne veux rien m’interdire ».
Cinq nouvelles au sommaire : « Le marcheur au coeur ouvert », « Presqu'île » et « Ca pince du côté de Noirmoutier ! » qui évoquent l’océan et la mer ;« Le Monsieur qui disait toujours bonjour », dialogue entre deux hommes affligés de tics de langage ; « La pierre de sucre dans le bol de café au lait », directement inspirée de la vie familiale. «" C'est fou tout ce qui se passe au petit-déjeuner : quelques réflexions autour des regards, des connaissances acquises, des rayons du soleil... Et ces puissants et mystérieux sens des mots qui nous différencient les uns des autres... ».Au fil des pages, l’humour (anglo-saxon, de préférence), le fantastique, la fantaisie, la poésie métaphorique et la philosophie. Cette « marque de fabrique » de Jacques Courtin se retrouve dans les trois livres « marqueurs » de son engagement littéraire, « La Vénus d’Ille » de Prosper Mérimée, « Avant Adam » de Jack London et « La fin de la sagesse » de G.K. Chesterton. Jacques devrait pourtant être plus chiffres que lettres. Depuis 2001, cet ancien commercial de terrain est devenu formateur marketing-management-communication de la filière Vente-Commerce au Centre Pierre Cointreau. « Je me suis mis à écrire à partir de 2008 à l’issue d’un long cheminement. Déjà, mon papa était blagueur, il aimait les jeux de mots, il y avait de l’optimisme à la maison ». En fait, tout est parti d’une nouvelle « Le piano », offerte en cadeau à une communiante. Deux autres ont suivi : « Fricou le petit caïman » et « Pierre Gramant » qui mêlent plusieurs intrigues dans l’intrigue. « Le genre de la nouvelle n’est pas très populaire chez les Français qui préfèrent le roman. Mais il me plait. Le récit est court avec peu de personnages et une intrigue simple ». Jacques écrit le soir. « Je pars sur une image, un fait, un mot, sans savoir où je vais. Je mène mes recherches au fil de l’eau, quand l’histoire avance. La première écriture peut être la bonne, mais j’ai plutôt tendance à relire et relire, à corriger le fond et la forme ». Il saisit ses textes sur son PC posé sur la table du salon. Il n’a pas d’atelier bien à lui alors qu’il rêve d’écrire face à la mer comme Victor Hugo à Guernesey. Bien qu’il ait quelques nouvelles inédites dans ses tiroirs, Jacques Courtin a choisi de se lancer dans un troisième ouvrage qui inclura une petite pièce de théâtre. Et pourquoi pas demain, de la poésie ? « Je ne veux rien m’interdire ».
On
peut commander « Le jour est toujours jeune » dans toutes les librairies,
sur Amazon ou sur le site de la FNAC.
![]() |
Courrier de l'Ouest Septembre 2011 |
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Ils font la ville : Première publication pour Jacques Courtin.
L’écriture n’est pas la passion qu’on aurait imaginée pour Jacques Courtin, formateur en marketing et management.
Pourtant, comme dans une de ses nouvelles, sa vie a pris un tournant imprévu. « L’insolite est au détour du chemin », serine l’auteur, comme s’il parlait de son propre parcours.
" Tiroirs à nouvelles ", publié aux éditions du Panthéon, est l’aboutissement de trois ans de travail. De longues soirées passées à mettre en forme ces dix histoires. « Elles partent toujours d’une scène ancrée dans la réalité. Et tout à coup, il se passe quelque chose de fantastique, explique l’auteur. Alors, on part sur un autre territoire, dans un autre espace-temps. J’adore ça, c’est jubilatoire ! »
Amateur de bons mots et de grands auteurs, Jacques Courtin confie avoir trouvé dans l’écriture « le
moyen de s’évader d’un monde de plus en plus matérialiste ». Il invite le lecteur à pénétrer dans
ces autres mondes qu’il fabrique de ses mots. Faisant passer ses passagers du doute à la peur, du délirant au merveilleux. « Je fais tout pour que le lecteur ne reste pas insensible », livre-t-il.
© C. Badot
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Ma première distinction que vous retrouvez en intégralité. Bonne lecture. |
Menaces
nordiques
« En
réalité, nous ne savons rien car la vérité est au fond de l’abîme
» Démocrite
L'hiver
avait été particulièrement rigoureux, cette année-là. Du côté
de Noirmoutier, le port était pris dans la glace et la chaussée du
Gois était impraticable depuis plusieurs jours. Des blocs de glace,
vraisemblablement détachés de l'immensité cristalline du cercle
polaire, semblaient venir narguer les îliens. A ces conditions
exceptionnelles se rajoutait un phénomène inexplicable qui, d'heure
en heure, inquiétait la population.
Il
avait d'abord été signalé par un des guetteurs situé au lieu-dit
La Linière ; celui de La Madeleine avait aussi confirmé
l'apparition d'une espèce de gros nuage qui semblait, au loin, raser
les vagues. Les deux guetteurs avaient décrit, avec beaucoup de
difficultés, ce gros nuage qui, tel un rouleau compresseur, se
dirigeait tout droit vers l'île. Il était clair que de loin, cela
ne ressemblait à rien de ce que les Anciens connaissaient.
Puis,
au fil des minutes, le gros nuage envahit l'île avec ses fines
gouttelettes en suspension. Des particules légères et transparentes
se déplaçaient sans bruit, en contournant toutes les moindres
aspérités de l'île avec une remarquable aisance. Le nuage semblait
développer une évidente connivence avec ces lieux déjà peut-être
visités. En une demi-heure, la masse nuageuse recouvrit tout sur son
passage, en partant de La Madeleine, L'Epine, La Guérinière,
Barbâtre et jusqu'à La Fosse.
Les
plus anciens indiquaient aux plus jeunes la direction du nuage. La
première inquiétude laissait place peu à peu à une forme
d'investigation et d'analyse. Il fallait admettre qu'il était
dorénavant possible que le froid et la glace convoquent maintenant
un nouveau type de nuage sur l'île. En effet, les premières
conclusions des habitants, suite aux nombreuses observations,
montraient que la masse nuageuse filandreuse présentait une légère
coloration bleutée. Un bleu légèrement ardoisé. De près, cela
ressemblait plus à un brouillard composé de milliards de particules
en liberté qui, virevoltantes sans limite, semblaient s'accommoder
des lieux.
Les
bruits s'apaisaient. Les sons se propageaient à la vitesse d'une
aile de goéland dessinant dans le ciel des courbes aéroplanes.
Pour
parler de cet événement nouveau et inattendu, les îliens se
réunirent. Il fallait bien ensemble se rassurer et discuter de cet
étrange épisode. Le seigneur des lieux guerroyait actuellement en
Neustrie ; il était absent pour constater le phénomène.
Le
lendemain, le brouillard persistait toujours ; curieusement, il
n'avait pas franchi le Gois, toujours impraticable. Le port était
toujours pris dans les glaces. Le froid semblait moins vif. Au-delà
des côtes de l'île, quelques glaçons flottaient ici ou là.
Lentement et patiemment les courants marins avaient laminé ces
magnifiques cathédrales translucides en les miniaturisant pour les
transformer en d'inoffensifs objets flottants. Dans quelques heures,
il ne resterait rien de leur existence !
Les
activités agricoles et maritimes de l'île tournaient au ralenti.
Les Anciens cachaient leur pessimisme, sentant presque
instinctivement les prémices d'une catastrophe. Les plus jeunes les
écoutaient à demi-oreille en pensant déjà aux futures amorces du
printemps qui ne manquerait pas d'arriver après la fonte de toute
cette glace.
Trois
jours plus tard, le brouillard disparaissait. Aucun vent n'était à
l'origine de sa dissipation. Les Anciens n'avaient jamais vu cela.
Décidément, les temps changeaient !
Installés
en haut de leur promontoire, les guetteurs reprenaient leur tour de
surveillance. L'étendue maritime, magistrale, s'offrait à eux et
s'étendait à perte de vue. Les scintillements et les reflets vert
mordoré de l'océan semblaient jouer à cache-cache avec les rayons
d'un soleil d'hiver qui reprenait son territoire.
L'océan
était intact. Le brouillard n'avait pas laissé de trace… Tout
ressemblait à avant...
Pourtant,
au loin, en direction de l'île du Pilier, un des guetteurs aperçut
un point qu'il ne distinguait pas vraiment bien. Il fronça les
sourcils et, avec ses mains, il fit comme une espèce d'abri aux
dessus de ses yeux afin de mieux fixer la chose. Ce point semblait
immobile ; le guetteur ne distinguait aucun signe distinctif qui
permettait d'identifier correctement le point à l'horizon ; était-ce
une baleine ? Était-ce une baleine morte à la dérive ? Était-ce
un amalgame de goémons ? Était-ce un bateau ? Un bateau !!! Le
guetteur faillit s'étrangler en criant toute voile dehors : «
Alerte ! Alerte !! Alerte !!! Les Vikings ». Puis,
prenant ses jambes à son cou, il dévala le chemin qui le dirigeait
vers le centre de l'île pour donner l'alerte. En moins de trente
minutes, une bonne centaine d'îliens se précipitèrent à l'endroit
précis d'où avait été vu le bateau. Chacun écarquillait les yeux
pour distinguer la menace flottante.
C'était
bien un bateau ! De là à voir qu'il était viking, il y
avait un grand pas ! Mais, il fut décidé, pour plus de sécurité,
de poster aux six points stratégiques de l'île des guetteurs. Sur
le chemin du retour, chacun pensait aux meurtriers raids successifs
de ces barbares scandinaves qui n'avaient laissé que désolation et
malheur. Tous évoquaient l'absence du seigneur qui continuait de
guerroyer sur la Loire aux alentours d'Angers et plus loin du côté
du Mans. Le seigneur y laisserait peut-être sa vie mais son âme
serait sauvée en combattant ces maudits Vikings qui s'infiltraient
sur le moindre cours d'eau.
Les
îliens décidèrent néanmoins d'envoyer un messager pour prévenir
le seigneur d'une attaque imminente de Vikings. En six ou sept
journées de chevauchées, le messager préviendrait le seigneur
Enguerrand qui saura prendre la bonne décision pour venir les
secourir et les protéger.
Quoi
qu'il en soit, les îliens décidèrent de se défendre avec toutes
leurs armes et leur amour de leur terre. Les plus anciens, qui
avaient vécu les diverses razzias du passé, tentaient d'expliquer
aux plus jeunes ces moments de panique qui les avaient terrifiés :
les Vikings arrivaient toujours avec un fort effet de surprise. Ils
avaient l'art de profiter des moindres pénombres d'une lune
sépulcrale pour débarquer et, en ordre dispersé et discipliné,
ils pillaient ; ils tuaient ; ils kidnappaient pour leur trafic
maritime ou ils rançonnaient en échange d'or. Leur facilité de
mouvement, grandement amplifiée par des bateaux souples, légers et
mobiles, était un modèle du genre ; le faible tirant d'eau de leur
navire leur permettait de folles audaces sur le moindre cours d'eau.
La seule arme vraiment efficace contre eux était la résistance
organisée et méthodique. Et quand les Vikings décidaient
d'attaquer avec force, leurs bateaux pouvaient transporter des
dizaines de guerriers. Et là, fortement armés avec leurs glaives
fabriqués avec les meilleurs fers, leurs lances, leurs javelots,
leurs boucliers, ils étaient redoutables. L'heure n'était pas à la
panique mais à la ferme résolution d'un plan de défense.
Les
jours suivants, les Noirmoutrins constatèrent que le bateau semblait
toujours immobile. Il se dandinait, bercé par les vagues ; il
semblait arrimé et relié au fond de l'océan par une corde
certainement relié à l'ancre. Plusieurs îliens évoquaient une
ruse, une diversion pour mieux attaquer l'île. D'autres voulaient
voir de plus près l'embarcation et militaient pour qu'une poignée
d'hommes prennent la mer pour confirmer ou infirmer les attentions
belliqueuses du bateau. D'autres souhaitaient attendre le retour du
seigneur sans prendre de décision. Aux termes de nombreux palabres,
il fut décidé que Martin de Barbâtre, Renaud de l'Epine, Erwann de
la Guérinière accompagnés de quatre autres îliens, vogueraient en
direction du bateau suspect. Les consignes étaient les suivantes :
Approcher le plus près possible le bateau pour compter le nombre de
Vikings et identifier leur degré d'armement ; sous aucun prétexte
les sept explorateurs ne devaient accoster le bateau.
Les
glaces avaient fondu et libéré le port. Au petit matin, les sept
hommes embarquèrent pour se diriger vers la cible visée. La mer
calme laissait présager une journée sans pluie. Les hommes étaient
aguerris au maniement de l'esquif. Ils étaient sur leur mer qui les
avait vu naître, grandir et réaliser des exploits. Il fallait
fondre sur cet intrus qui inquiétait les îliens. Dépositaires de
la sécurité de leurs compagnons de fortune restés sur l'île, une
immense fierté les accompagnait. Ils n'étaient pas seuls et uniques
sur mer mais soudés à cette communauté qui se battait contre des
périls intérieurs et aujourd'hui extérieurs.
L'île,
exposée aux caprices de l'océan, avait déjà beaucoup souffert. Et
voilà que certains hommes, parlant une langue rugueuse et
incompréhensible, s'ingéniaient depuis quelques années à vouloir
la dévaster. Les hommes de ce territoire en avaient vu d'autres et
ils sauraient résister ! L'adaptation aux menaces nouvelles prend le
temps nécessaire à mesure que la conscience du péril grandit.
Le
bateau menaçant était de plus en plus visible par les sept hommes.
Renaud décida de manœuvrer pour contourner le bateau en maintenant
une distance de sécurité. Très vite, ils se confirmèrent que
c'était bien un bateau viking et, très vite, ils constatèrent son
caractère désarmé. Ils devaient rentrer au port pour rendre compte
de leur exploration. Soudain, sur le pont du bateau ennemi, une forme
humaine apparut. Aussitôt, les sept hommes se mirent en position
défensive. L'homme - car c'était bien un homme - faisait des grands
mouvements avec ses bras. Il semblait leur transmettre quelques
informations. L'individu apparaissait comme hébété ; sa
communication était à l'image de cette grande carcasse dépenaillée
et décharnée ; nul doute que ce grand échalas ne cherchait ni
rixes, ni razzias : il avait faim tout simplement. D'un coup d'œil,
les sept hommes, repérant les stigmates de la disette, décidèrent
spontanément d'enfreindre les consignes. Il fallait porter secours à
l'homme qui était voué à une mort certaine.
Le
bateau viking fut approché avec moult précautions. Les sept hommes
avaient évoqué entre eux les diverses ruses concoctées par leurs
adversaires lors de précédentes rencontres. L'état du bateau, la
mine pitoyable de l'homme, les bruits amples et familiers
presqu'amicaux du désert nautique, la voile déchirée. Tout
concourait pour créer un amical, sain et salvateur contact entre un
mort-de-faim perdu sur un bateau et sept îliens venus chercher des
réponses pour leur sûreté insulaire.
Quatre
hommes restèrent sur l'esquif. Martin, Renaud et Erwann montèrent
sur le bateau viking avec une rassurante hardiesse. L'homme,
nullement effrayé par l'irruption des trois hommes sur le bateau,
s'empressa d'indiquer qu'il avait faim. Ses gestes trahissaient sa
misérable condition. Son langage, incompréhensible, comportait des
sons rauques et hésitants ; il était à bout de force. Martin lui
donna quelques aliments de fortune. Puis, ils vérifièrent que
l'homme était bien seul ; ils aperçurent qu'une de ses chevilles
était entravée par une chaîne. Elle reliait solidement l'homme au
bateau ; elle l'empêchait de se déplacer à sa guise. Qui donc
avait attaché cet homme à ce bateau, lui affligeant une mort
certaine et à petit feu ? Était-ce un paria, un banni, un proscrit
? Pourquoi l'avoir abandonné sur un bateau à quelques miles de
l'île, en plein pays ennemi ? En plus de la mort, que voulaient lui
infliger les membres de son peuple ? Quel prix était-t-il prêt à
payer pour cet homme ? Et puis perdre un bateau, cela représentait
une perte irrémédiable pour la communauté ? La barrière de la
langue ne permettait pas à ces hommes de le questionner et
d'échafauder le moindre raisonnement logique. C'était
incompréhensible.
Les
sept hommes décidèrent de rentrer au port pour connaître l'avis
des îliens. Ils n'avaient pas osé prendre l'initiative de ramener
le Viking sur l'île ; la population l'aurait certainement lynché !
Non, il fallait plaider sa cause calmement et revenir le chercher le
lendemain ; les habitants auraient certainement de la compassion pour
cet homme. Il pourrait aussi être décidé de détruire ce maudit
bateau après le sauvetage du paria.
En
revenant au port, Martin regarda, derrière lui, une dernière fois
le bateau qui s'éloignait peu à peu. Toutes ces heures, depuis le
matin, étaient gravées dans sa mémoire. Il pouvait expliquer tout
ce qu'il avait vu. Il examina la froide cruauté de ce peuple venu du
froid qui n'hésitait pas à sacrifier l'un des leurs. Était-ce ce
calcul impitoyable et machiavélique qui allait permettre aux
nouveaux conquérants de défier les autres peuples ? Martin se jura
de ne jamais adopter ce « genre » de monstruosité et qu'il
combattrait jusqu'à la fin de sa vie ce lâche attentat à la
dignité humaine. De ses réflexions, il n'osa prononcer l'ombre
d'une parole à ses compagnons de fortune qui s'échinaient comme lui
à regagner le port. Son regard se porta sur cette côte familière
qui, tantôt semblait enjôler des vagues fracassantes venues du bout
du monde, tantôt exhibait de magnifiques rocailles, redoutables
barrières défensives. Lorsqu'ils touchèrent au but, une multitude
d'îliens les attendait. Le brouillard se mit de la partie.
Ce
fichu brouillard dura deux bons jours. A l'aube du troisième jour,
la nouvelle se répandit comme une traînée de poudre sur l'île :
le bateau du Viking avait disparu ! Aucune trace à l'horizon. Il
s'était volatilisé. Les sept hommes, abasourdis par cet étrange
phénomène, expliquaient que l'homme n'avait pu manœuvrer seul son
bateau ; en effet, son extrême maigreur, sa faiblesse, sa chaîne
qui le liait au bateau. Le bateau était en mauvais état avec une
voile déchirée. Alors, dans toute l'île, la crainte et la
suspicion envahissaient les consciences et les esprits. La peur se
lisait sur les visages. Les témoignages des sept hommes furent mis
en doute. Il fut dit qu'ils avaient voulu se rendre intéressants et
qu'ils avaient trouvé de l'or sur le bateau ! Le Viking avait acheté
leur cupidité ! L'or proposé leur avait fait tourner la tête. Des
clans se formèrent. Des vieilles rivalités du passé furent
ravivées. Chacun tentait de se rassurer de ce qu'il savait et
présupposait faux ce que disait le voisin ou du moins ce qu'il avait
pensé dire. Les uns se réfugiaient dans la prière, les autres
s'apprêtaient à défendre chèrement leur peau contre ceux -
Vikings ou alliés de Vikings sur l'île - ! L'atmosphère était
irrespirable.
L'île
pouvait être cueillie par le premier conquérant venu tant les
querelles de la population étaient grandes. En l'absence du
seigneur, nul n'avait l'autorité suffisante pour rendre raison à la
population. Les dissensions s'envenimaient ; les quatre, qui étaient
restés sur l'esquif, ne pouvaient confirmer ce que Martin, Renaud et
Erwann affirmaient avec vigueur. L'intrigue autour d'un soi-disant or
viking, récolté par les trois qui étaient montés sur le bateau,
apportait de terribles méfiances. La situation était inextricable
et dangereuse. Les guetteurs n'observaient plus l'océan.
C'est
vers le milieu d'un après-midi que l'avant-garde du seigneur pénétra
en toute hâte dans l'île pour se diriger vers son centre. Un des
cavaliers était le messager, dépêché en Neustrie, une quinzaine
de jours plus tôt. L'avant-garde était chargée de veiller aux
préparatifs de l'accueil du seigneur.
Enguerrand
se présenta quelques heures plus tard avec le reste de la troupe. La
troupe s'était plusieurs fois accrochée avec les Vikings et s'était
notamment illustrée lors de la bataille de Brissarthe. Enguerrand
fut informé de la situation peu brillante de l'île. Il convoqua sur
le champ toute la population. Les Noirmoutrins répondirent comme un
seul homme. Ils constituaient une foule compacte et déjà
disciplinée. Ils attendaient tellement du seigneur Enguerrand.
Celui-ci résuma tout ce qu'il avait compris et demanda qu'il soit
interrompu si quelqu'un avait une objection à formuler. En regardant
la fidèle assistance, il prononça cette phrase :
- Je
demande solennellement à Martin, Renaud et Erwann de venir
s'expliquer car ce sont eux qui vont pouvoir faire jaillir la vérité
et me permettre de prendre les décisions qui s'imposent.
Les
trois hommes, sûrs de leurs propos, argumentaient en prouvant leur
bonne foi ; ils avaient déjà raconté les mêmes faits avec la même
conviction sans vraiment perdre leur sang-froid. Ils avaient
découvert un Viking seul sur un bateau, en très mauvaise condition
physique ; aucun autre homme ne l'accompagnait ; les impossibilités
d'échanges verbaux n'avaient pas permis de comprendre la réelle
situation de cet homme ; cela ressemblait fort étonnement à un exil
forcé et imposé vers une mort certaine. Les trois hommes
poursuivaient leurs explications lorsque quelqu'un dans la foule
demanda :
- On
vous entend bien, mais quelles preuves pouvez-vous nous fournir et
qui attestent ce que vous nous dites ?
Alors,
le seigneur fit un geste de la main afin d'obtenir une réponse. Tous
les trois répondirent par la négative. Rien n'avait été rapporté
du bateau viking. Enguerrand semblait troublé par le témoignage de
ces trois hommes qu'il estimait depuis toujours. Dans l'adversité,
il avait maintes fois apprécié leurs qualités humaines. Il
ressentait un étrange sentiment indéfinissable. Comme cette fois
où, lors d'une escarmouche avec des guerriers vikings, se retrouvant
seul et encerclé - il s'était battu comme un lion - les Vikings
l'avait assommé et laissé agonisant. Ses soldats le croyaient mort.
Par
miracle, il revint à la vie après quelques jours de torpeur.
Certaines situations déjà vécues lui revenaient maintenant en
mémoire. Pendant ses semaines de guerre, il en avait vu des Vikings
: des vivants et des morts ; il en avait tué certains. Il avait
entendu leurs cris de guerre et il connaissait bien leurs tactiques.
Le silence imposait sa loi. Chacun attendait un dénouement de cette
situation qui n'en finissait pas. Enguerrand prononça alors une
phrase en langue nordique en direction des trois hommes. Personne ne
comprit la signification de ces mots. Aussitôt, Martin, Renaud et
Erwann se jetèrent sur leurs armes en criant des phrases
incompréhensibles ; une grande confusion régna un court moment.
Puis la foule réagissait et comprit, en un instant, qu'un mauvais
sortilège avait atteint ces hommes ; les malheureux avaient
certainement contracté ce maléfice sur le bateau du Viking quelques
jours auparavant. Ils furent capturés, jetés en prison en attendant
d'être jugés. Enguerrand ordonna à la population de rentrer chez
elle.
Il
allait décider du sort de ces trois hommes et jura que sa sévérité
serait à la hauteur des défis qui étaient à relever. Chacun
respecta les décisions du seigneur.
Vers
les trois heures du matin, Enguerrand se leva et alluma une lanterne.
Il la porta plusieurs fois au-dessus de sa tête de manière qu'elle
soit visible à des miles et des miles. Puis il attendit une bonne
heure avant d'aller délivrer Martin, Renaud et Erwann.
Déjà, à l'horizon, se profilaient les voiles porteurs de malheur.
Déjà, à l'horizon, se profilaient les voiles porteurs de malheur.
Jacques
Courtin Février 2011 3022 mots
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AVRILLE AU FIL DES MOTS
L’écriture est affaire de talent. Pour cette raison, le salon des Talents Avrillais s’ouvre cette année aux auteurs de la commune et vous propose une rencontre dédicace dans le Hall du Centre Brassens
le samedi 6 octobre 2012, de 14 à 17h.
L’objectif, au-delà de la vente d’ouvrages, reste la rencontre, l’échange.
Vous avez rendez-vous avec Jacques Courtin. Amateur de bons mots et d’histoires fantastiques, Patricia Menn qui en 2010, publiait La vie à bras le coeur, un recueil de textes poétiques racontant tour à tour l’amour, la vieillesse ou l’environnement. l’ancien journaliste Jean Goblet, l’historien Jacques Thomé, l’homme de théâtre Jean Guichard ou encore les auteurs de la bande dessinée La traversée, Robert Delanoue et Gérard Berthelot, ou l’auteur d’albums pour la jeunesse Catherine Leblanc. Ainsi que Corinne
Champagne, Sylvie Cognard, Marc Vion , Jean-Jacques Tur.
Chacun tentera à sa manière de faire partager au public son expérience et surtout son amour de l’écriture.
Allée Georges Brassens - 49240 Avrillé - Tél. 02 41 31 11 30
Au
fil des mots...
…
les mots défilent
les uns derrière les autres en ordre discipliné ; ils s'harmonisent
dans une formation musicale qui joue la symphonie fantastique de
Berlioz. Les sons se croisent et se décroisent pour créer du
somptueux, de la force, de l'énergie et de la poésie.
…
les
couleurs du tableau de l'artiste-peintre sautent aux yeux du visiteur
; elles lui font de l'œil et l'invitent à s'interroger. De la
couleur pastel au rouge vermillon, les teintes, douces ou barbares,
immenses comme des puits sans fond, apaisent ou déraillent les sens.
…
les
mots s'enfilent
comme
des
perles
de culture ou de pacotille ; le collier ainsi créé brille de mille
feux dans les yeux de l'amoureux.
…
les
mots naissent à l'aube de la journée d'écriture et s'endorment
sans bruit dans le crépuscule d'une nuit d'été. Demain, seront-ils
encore prêts pour la grande aventure de la vie ?
…
les
mots se suivent à la queue-leu-leu et se dirigent vers des
territoires peuplés de personnages extraordinaires et extravagants.
Ces pays existent bel et bien dans les méandres de l'imaginaire de
l'artiste. Quelles contrées décrire ? Celles de tous les possibles.
Quels portraits de quels personnages ? Imaginaires ou réels, dans le
passé, dans le présent, dans le futur. L'écrivain n'a que
l'embarras du choix.
…
les mots semblent se
perdre dans nos pensées fugitives, évanescentes. Pourtant, les mots
pensés, écrits, dits et partagés, nous fortifient d'une puissance
apaisante et enchanteresse. Rien n'est plus nécessaire que les mots
qui nous relient les uns aux autres ; Les grands mots, les petits
mots, les mots composés, les mots croisés, les jeux de mots, les
mots-clés et les mots d'esprit.
Avrillé,
au fil des mots
octobre
2012 Jacques Courtin
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Andreas Beger, Aurélie Courtin, Jacques Courtin ______________________________________________________________________________________________________________ |
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Salon Sablé sur Sarthe Avril 2012 |
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Salon Sablé sur Sarthe Avril 2012 |
![]() |
C'est en bas, à droite |
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